Les difficultés du transport routier français ne se limitent pas à la conjoncture ou à son manque de compétitivité sociale mais sont aussi d'ordre structurel, selon la Coface, qui prône une réorganisation du secteur sur les modèles allemand et hollandais.

Le dynamisme des créations d'entreprises malgré les difficultés a créé une situation de surcapacité dans le TRM français © Renault Trucks
Le dynamisme des créations d'entreprises malgré les difficultés a créé une situation de surcapacité dans le TRM français © Renault Trucks
"S’il y a bien un secteur qui a souffert de la chute d’activité liée au moment du «double dip» qu’a connu la France, c’est le transport routier de marchandises", écrit la Coface dans son dernier baromètre annuel sur les défaillances d’entreprises françaises. Dans ce document, l'agence française d'assurance-crédit à l'export fait d'abord le constat douloureux du recul du TRM français. Son taux de marge est passé de 18 % en 2001 à moins de 10 % en 2012 et son taux de défaillance a atteint 3,4 % de 2006 à 2013, quand l’ensemble de l’économie française a enregistré un taux de 0,9 %. Pour la Coface, "cette contraction s'explique par cinq facteurs principaux : l'irrésistible ascension du TRM dans les Peco (Pays d'Europe centrale et orientale), des coûts élevés, la désindustrialisation, la conjoncture domestique et une trop faible présence à l'international".
Le rapport confirme la prépondérance du prix du carburant, premier poste de dépenses selon le Comité national routier (CNR) (28 %), "qui comprime les marges des transporteurs" et qui a augmenté en moyenne de 4,5 % par an entre 2000 et 2012, soit 77 % en douze années. En revanche, à propos du coût des salaires des conducteurs (27,8 % du total), il évoque une "hausse assez faible à relativiser",+ 2 %, à comparer avec une inflation en hausse de 1,9 % de 2000 à 2012.

Trafic international : le nerf de la guerre

La Coface ne nie pas le poids de cette charge et l'avantage concurrentiel des pays de l'Est, citant les exemples polonais et roumain. Mais, pour elle, la différence du coût de la main-d'œuvre (34,20 euros en moyenne en France, 7,40 euros en Pologne et 4,40 euros en Roumanie) n'est qu'un facteur aggravant du repli des transporteurs français sur leur marché domestique alors que leurs concurrents partaient à la conquête de l'international.

"Peu d'assise financière et peu de présence hors de nos frontières"
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Les transporteurs roumains et polonais ont accompagné un commerce extérieur en pleine croissance vers leur premier partenaire, l'Europe de l'Ouest. La taille de leur flotte et leur avantage compétitif leur ont permis de prendre de larges parts de marché à l'international. Pendant ce temps, la difficulté des industriels français à exporter a pénalisé le pavillon routier national, selon la Coface.
Premier client du TRM, l’agroalimentaire (28 % du marché) a payé un lourd tribut lors de la crise, avec des faillites remarquables (les abattoirs GAD, l'éleveur Doux, etc.). La construction (11 %), l'automobile et les machines (10 %) et la pétrochimie (9,4 %) n'ont pas relevé le niveau. "Les échanges industriels (…) fournissent des commandes aux transporteurs qui se trouvent démunis face à la «tertiarisation» de pans entiers de notre économie", estime l'organisme, qui observe que la part à l’international de l’activité du pavillon français est passée de 23 % en 1998 à 9 % en 2012, avec 75 % des trajets effectués en 2012 inférieurs à 500 kilomètres. "Ce recentrage sur le marché domestique a eu des conséquences néfastes, en particulier une chute de la profitabilité", explique le rapport. Les principaux moteurs du commerce extérieur français, situés en Asie et en Amérique, ne profitent pas au transport routier.

Atomicité et surcapacité

En outre, les difficultés du TRM français seraient accentuées par une surcapacité. Entre 2007 et 2012, la flotte nationale de camions et de tracteurs routiers a diminué de 1 % (de 432.000 à 427.000 véhicules) alors que le niveau d’activité a chuté, entre-temps, de 20 %, ce qui "a tiré les prix du TRM vers le bas". Malgré les difficultés, le nombre d'entreprises de TRM est hausse constante depuis 2007 (3.527 entreprises créées entre 2003 et 2011). L’introduction du régime des auto-entrepreneurs a accéléré cette tendance, qui crée une atomicité elle aussi néfaste au secteur, à en croire la Coface.
Pour Carole Boisselet, responsable de la branche arbitrage Europe de l'Ouest, "le secteur du transport routier français de marchandises est très fragmenté, constitué de très petites entreprises. 90 % des entreprises ont moins de 50 salariés, et 75 % moins de cinq. Elles n'ont pas d'assise financière suffisante, et sont peu présentes hors de nos frontières. À cela s’ajoute une faible profitabilité qui s’explique par des coûts salariaux et de carburant plus élevés, et par une activité en berne". Parmi les difficultés engendrées par la petite taille des entreprises, la Coface pointe la gestion du poste clients et en particulier le recouvrement des créances : "La pénurie de liquidité conduit fréquemment à la défaillance".

L'Allemagne et les Pays-Bas s'en sortent

Pourtant, le déclin du pavillon routier national n'est pas une fatalité pour les pays à hauts revenus, insiste la Coface dans un message d'espoir en forme d'ultime critique du modèle français. L'agence cite les cas de l'Allemagne et des Pays-Bas, "deux économies qui disposent d’un tissu industriel prégnant et fortement orienté vers l’exportation", dont le les pavillons routiers parviennent à conserver une prépondérance dans les échanges internationaux. L'agence constate que les transporteurs allemands et hollandais s'en sortent mieux avec pourtant des coûts – salaires, carburant et assurances – plus élevés que leurs homologues français. Le tout grâce à des entreprises de plus grande taille, qui segmentent leurs services et qui misent sur "la fiabilité, la ponctualité et la rigueur". Le rapport évoque une offre plus complète (dédouanement, etc.) qui ajoute de la valeur au service de transport et des prestataires "hyperproductifs", qui roulent plus pour compenser leurs coûts. Les Néerlandais sont demeurés en bonne place sur le marché européen alors que les Pays-Bas ont été plus touchés par la récession européenne que la France, relève l'agence.
Ainsi, cette dernière prône une réorganisation du TRM français, qui servirait le secteur plus efficacement que la timide croissance économique attendue. Pour cette "victime collatérale du manque de compétitivité de l’économie française (…), s'adapter à la demande permettrait de conquérir des appels d'offres", conclut la Coface.


Tout ce grand rapport pour dire que le coût du travail est trop cher en France et que ce pays n'aime pas ces transporteurs routiers.

Il y a en France plus de contraintes que dans la majorité des autres pays, même de ceux de l'UE plus un coût du travail très cher et on comprend que le pavillon français est complètement à la dérive.

Pire c'est que les politiques ne feront rien pour pour sauver le transport routier, le lobby pro-rail y veille appuyé en cela par les extrémistes écologie les verts qui ont deux ministres au gouvernement.