Vendredi 9 mai 2014
Constatées à Pontarlier, Busy ou Poligny, ces attaques ciblaient des camions exclusivement étrangers. Un acte de malveillance à forte dimension « politique ».
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Seugin Mehmedov est dépité. Son père et lui se rendaient à Bruxelles, siège de leur entreprise de transport, quand leur feuille de route a été – quelque peu – contrariée…
Stationné sur un parking d’une zone commerciale de Pontarlier pour la nuit de mercredi à jeudi, le duo de chauffeurs bulgares a connu une mésaventure peu commune : sept de leurs pneus ont été crevés par des mains hostiles, probablement à la perceuse. A « 1.200 € » l’unité, l’addition est salée. « Ça fait 40 ans que mon père travaille sur les routes, c’est la première fois qu’il voit ça », assure Seugin. Alerté par le bruit, le routier a entraperçu, dit-il, « six gars dans deux voitures » qui prenaient la poudre d’escampette.
À proximité, trois autres camions ont été vandalisés. Serbie, Portugal, et encore Bulgarie : les perceurs de pneus avaient clairement ciblé des proies étrangères. Un a priori conforté par l’appel anonyme reçu, hier matin, à l’agence de l’Est Républicain de Pontarlier, et émis depuis une cabine téléphonique. Après avoir signalé avec précision les lieux des méfaits, la voix ajoutait : « Vous verrez que les transporteurs français sont en colère, et ce n’est qu’un début ». Fin de la conversation.
La même nuit, des faits identiques ont été constatés sur trois ensembles routiers à Poligny (lire ci-contre) et sur un autre à Busy, près de Besançon. La nationalité des chauffeurs ? Roumaine ou bulgare.
« On ne s’en prend pas aux bonnes personnes »
Cette opération malveillante, clandestine et coordonnée, s’inscrit dans un contexte de crise pour le transport français, frappé de plein fouet par la concurrence. « Je ne cautionne pas ces agissements, on ne s’en prend pas aux bonnes personnes », pose cependant Bernard Ienn, président régional de la FNTR (Fédération nationale des transports routiers). « Il ne faut pas croire que c’est facile pour ces conducteurs de vivre quatre semaines dans leur camion, de manger et dormir au bord de la route… Je comprends l’exaspération de certains, mais aujourd’hui la véritable catastrophe, c’est le nombre colossal d’entreprises françaises qui ferment, près de 900 par trimestre. » Et 22, en 2012, pour la seule Franche-Comté.
Selon lui, la solution est politique : « On ne peut pas en vouloir à ces pays’’low cost’’, il y a la loi, ils sont autorisés à caboter. » Comprenez : à livrer là où ils le veulent au gré de leur trajet souvent très long, à raison de trois opérations par semaine maximum.
« Certains fraudent et en font plus que trois, mais le vrai problème, c’est que le pavillon français a perdu le marché international. Il y a donc de plus en plus de passage de transporteurs européens sur notre territoire, donc plus de cabotage qui grignote notre marché national. Notre salut passerait par la reconquête du marché international, mais notre déficit de compétitivité nous en empêche », synthétise Bernard Ienn.
Les transporteurs réclament également davantage de contrôles. Ventilée sur huit week-ends, une opération de contrôles de gendarmerie a justement été lancée le 20 avril dernier, partout sur les routes du Doubs. Suffisant pour calmer le gang des perceurs de pneus ?
Willy GRAFF
L est Républicain